Manquements aux obligations d’un bail commercial et suspension d’une clause résolutoire

Résumé : À la demande du locataire, le juge peut décider de suspendre les effets d’une clause résolutoire d’un bail commercial mise en jeu par le bailleur, et ce quel que soit le manquement reproché par ce dernier aux obligations du locataire.

Lorsqu’un contrat de bail commercial comporte une clause résolutoire (ce qui est fréquent), le bailleur peut obtenir de plein droit la résiliation du bail lorsque l’engagement du locataire (par exemple, le paiement du loyer) visé dans la clause n’a pas été respecté.

En pratique, le bailleur doit délivrer, par acte de commissaire de justice, un commandement de s’exécuter au locataire défaillant. Et si ce dernier n’est pas suivi d’effet au bout d’un mois, le juge prononcera la résiliation du bail.

Sachant que le locataire peut demander au juge de lui accorder un délai pour exécuter son obligation et de suspendre ainsi les effets de la clause résolutoire. Dans ce cas, la clause résolutoire ne s’appliquera pas si le locataire exécute son obligation dans le délai accordé par le juge. Dans le cas contraire, elle produira ses effets et le bail sera résilié.

À ce titre, la suspension des effets d’une clause résolutoire peut être décidée par le juge, quel que soit le manquement à ses obligations reproché au locataire.

Tout manquement du locataire

C’est ce que la Cour de cassation a rappelé dans une affaire où un bail commercial prévoyait que, sauf exceptions légales, les lieux loués à usage de restaurant devaient toujours rester ouverts, exploités et achalandés. Ayant constaté que le restaurant était fermé, le bailleur avait envoyé au locataire un commandement de reprendre l’exploitation du restaurant, en visant la clause résolutoire stipulée dans le bail. Le restaurant n’ayant pas réouvert au bout d’un mois, le bailleur avait agi en justice pour faire constater la résiliation du bail.

Le locataire avait alors demandé au juge un délai pour s’exécuter et la suspension de la clause résolutoire. Mais la cour d’appel avait rejeté sa demande car, pour elle, un délai ne peut être accordé au locataire qu’en cas de manquement à une obligation de payer des loyers ou des charges.

La Cour de cassation a donc censuré cette décision, reprochant à la cour d’appel d’avoir refusé d’examiner la demande de délai du locataire.

Cassation civile 3e, 6 février 2025, n° 23-18360

Préemption de la Safer sur une parcelle agricole : le droit du vendeur de se retirer

Résumé : Lorsque la Safer exerce son droit de préemption en faisant une contre-proposition de prix, le vendeur qui saisit le tribunal en fixation du prix de vente peut ensuite retirer le bien de la vente à tout moment de la procédure, même avant que le tribunal ait fixé le prix.

Lorsque la Safer décide d’exercer son droit de préemption pour acquérir en priorité une parcelle agricole mise en vente, elle est en droit, si elle estime que le prix indiqué dans l’acte notifié par le notaire est exagéré, de proposer un prix moins élevé. Le vendeur peut alors soit accepter purement et simplement l’offre de la Safer, soit retirer la parcelle de la vente, soit saisir le tribunal judiciaire pour qu’il fixe le prix.

Attention :
si le vendeur garde le silence pendant un délai de 6 mois à compter de la notification de l’offre d’achat de la Safer, il est censé, à l’expiration de ce délai, avoir accepté cette offre.

Retirer la parcelle de la vente

Lorsque le tribunal a été saisi en fixation du prix, le vendeur, de même que la Safer, peut, après que ce prix a été fixé, renoncer à l’opération. Nouveauté : les juges ont indiqué, dans une affaire récente, que le vendeur peut, à tout moment de la procédure judiciaire, et donc même avant la décision du tribunal fixant le prix, retirer la parcelle de la vente.

Autre précision apportée par les juges dans cette même affaire : le vendeur qui retire la parcelle de la vente au cours de la procédure judiciaire en fixation du prix n’est pas tenu, pour en informer la SAFER, de recourir au notaire.

Rappel :
lorsque, dans les 6 mois après que la Safer a notifié une offre d’achat avec contre-proposition de prix, le vendeur décide de retirer la parcelle de la vente, il doit, dans ce cas de figure (c’est-à-dire en dehors d’une procédure judiciaire en fixation du prix), notifier sa décision de retrait au notaire. À défaut, sa décision de retirer la parcelle de la vente ne serait pas valable et il serait censé avoir tacitement accepté l’offre d’achat de la Safer à l’expiration du délai de 6 mois.

Cassation civile 3e, 28 novembre 2024, n° 23-18746

Obligation de reclassement : le CSE doit toujours être consulté !

Résumé : L’employeur doit obligatoirement consulter le CSE sur le reclassement du salarié déclaré inapte à occuper son poste de travail. Et ce même si aucun emploi de reclassement n’est disponible au sein de l’entreprise.

Lorsqu’un salarié est reconnu inapte par le médecin du travail à occuper son poste, son employeur doit, avant toute chose, rechercher des emplois de reclassement appropriés à ses capacités. Sachant que les offres d’emploi proposées au salarié doivent prendre en compte les indications et conclusions formulées par le médecin du travail mais aussi être soumises à l’avis du comité social et économique (CSE). Et sur ce dernier point, les juges sont intransigeants, en exigeant de l’employeur qu’il consulte le CSE même en l’absence d’emplois de reclassement disponibles.

Exception :
l’employeur est dispensé de rechercher des emplois de reclassement, et donc de consulter le CSE, lorsque l’avis d’inaptitude précise que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

Une consultation préalable à la procédure de licenciement

Dans une affaire récente, un conducteur routier victime d’un accident du travail avait été reconnu inapte à occuper son emploi par le médecin du travail. Aucun emploi de reclassement n’étant disponible au sein de l’entreprise, son employeur l’avait licencié pour inaptitude. Mais le salarié avait contesté la validité de la rupture de son contrat de travail au motif que le CSE n’avait pas été consulté avant son licenciement.

Saisie du litige, la Cour d’appel de Nîmes n’avait pas fait droit à la demande du salarié. Pour elle, en l’absence de postes de reclassement disponibles, l’employeur était dispensé de consulter le CSE. Le licenciement prononcé était donc bien régulier.

Mais pour la Cour de cassation, même en l’absence d’emplois disponibles, le CSE doit être consulté sur le reclassement d’un salarié inapte à occuper son poste de travail. Et ce n’est pas tout, cette consultation doit avoir lieu avant que soit engagée la procédure de licenciement pour inaptitude. Or, les juges ont constaté que l’employeur avait bien consulté les représentants du personnel de l’entreprise, mais tardivement, c’est-à-dire après la tenue de l’entretien préalable au licenciement du salarié. De sorte que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Un raisonnement que les juges d’appel, de nouveau chargés d’examiner cette affaire, sont « invités » à adopter.

Conséquence :
en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’employeur est condamné à verser une indemnité au salarié.

Cassation sociale, 5 mars 2025, n° 23-13802

Rachat de parts sociales : le compte courant d’associé doit-il être remboursé ?

Résumé : Un associé n’est pas en droit d’obtenir l’annulation du rachat de ses parts sociales par la société en invoquant le fait que cette dernière n’a pas accédé à sa demande de remboursement de son compte courant d’associé.

Un associé est en droit de demander à tout moment à la société le remboursement des sommes qui figurent sur son compte courant d’associé. Sauf stipulation contraire, la société est alors dans l’obligation de s’exécuter. Mais attention, l’obligation qui incombe à la société de procéder au remboursement d’un compte courant d’associé est, sauf si une clause prévoit le contraire, indépendante de celle qui lui incombe de payer le prix des parts sociales qu’elle a rachetées à cet associé.

C’est ce que les juges ont affirmé dans l’affaire récente suivante. Une société d’exercice libéral à responsabilité limitée (Selarl) avait décidé de réduire son capital en procédant au rachat puis à l’annulation des parts sociales détenues par l’un de ses associés. Ce dernier avait alors demandé à la société qu’elle lui rembourse son compte courant d’associé. La société n’ayant pas accédé à sa requête, l’associé avait demandé l’annulation du rachat de ses parts. En effet, il avait fait valoir que, sauf convention contraire, le rachat par une société des parts sociales d’un associé entraîne l’obligation pour cette dernière de rembourser le compte courant de cet associé.

Deux obligations indépendantes l’une de l’autre

Mais les juges ne lui ont pas donné gain de cause. Après avoir rappelé que l’obligation de la société de payer le prix des parts sociales rachetées à un associé et celle de rembourser le compte courant d’associé de cet associé sont, sauf stipulation contraire (ce qui n’était pas le cas dans cette affaire), indépendantes l’une de l’autre, ils ont estimé que l’associé n’était pas en droit d’invoquer le défaut de remboursement de son compte courant d’associé pour obtenir l’annulation de l’opération de rachat de ses parts sociales.

Cassation commerciale, 12 février 2025, n° 23-17483

Gare au cautionnement souscrit pour toutes les obligations d’une société !

Résumé : Le dirigeant d’une société qui s’est porté caution de toutes les dettes de celle-ci à l’égard d’une banque est tenu de couvrir celles qui résultent d’une convention conclue postérieurement à la souscription du cautionnement.

Très souvent, le dirigeant d’une société est amené à se porter caution pour elle envers une banque en contrepartie de l’octroi d’un crédit ou d’un découvert bancaire. Il prend ainsi l’engagement d’honorer personnellement les échéances de prêt de sa société ou le paiement du solde débiteur du compte bancaire au cas où elle serait défaillante.

Et attention, avant de signer un cautionnement, le dirigeant doit bien mesurer l’étendue de son obligation, à savoir le montant des sommes qu’il aura, le cas échéant, à débourser en lieu et place de sa société, et aussi la durée pour laquelle il s’engage en tant que caution. Car s’il s’engage pour une durée indéterminée, il sera tenu, en principe, de couvrir les dettes qui naîtront à l’avenir.

Le cautionnement souscrit sans précision de durée…

Ainsi, dans une affaire récente, les deux gérants d’une société s’étaient portés caution des engagements de celle-ci envers une banque, notamment ceux relatifs à un compte courant. Ce cautionnement était plafonné dans son montant, mais il ne l’était pas dans sa durée. Quelques années plus tard, une deuxième convention de compte courant avait été conclue ente la société et la banque.

À la suite de la défaillance de la société, la banque avait réclamé aux deux gérants cautions le paiement du solde débiteur du compte courant. Ces derniers avaient alors fait valoir qu’ils ne s’étaient engagés que pour garantir le premier compte courant, mais pas le deuxième. Et qu’en outre, la banque ne les avait pas informés de la signature de la deuxième convention de compte courant et n’avait pas sollicité leur accord pour maintenir leur engagement.

… couvre les dettes futures

Saisis du litige, les juges ont donné gain de cause à la banque. En effet, ils ont constaté que les gérants s’étaient portés caution pour toutes les obligations de la société à l’égard de la banque et que cette dernière ne les avait pas déchargés de cet engagement. Dès lors, la banque pouvait valablement leur réclamer, dans la limite du plafond contractuellement prévu, le paiement des dettes qui restaient dues par la société, y compris de celles qui n’étaient pas encore nées au moment de la souscription du cautionnement.

Cassation commerciale, 27 novembre 2024, n° 23-19560

Substitution de bénéficiaire en assurance-vie : la Cour de cassation change d’avis

Résumé : Dans une décision récente, la Cour de cassation a estimé que la validité d’un changement de bénéficiaire dans un contrat d’assurance-vie n’est pas conditionnée à une information préalable de l’assureur.

Dans le cadre de l’assurance-vie, le souscripteur désigne, au moment de l’ouverture du contrat, une ou plusieurs personnes (les bénéficiaires) qui auront vocation à recevoir les capitaux à son décès. Ces bénéficiaires pouvant être des membres de la famille du souscripteur ou non. À noter que la clause bénéficiaire d’une assurance-vie peut être modifiée à tout moment soit par un avenant au contrat mentionnant l’identité du nouveau bénéficiaire (le plus souvent, une lettre simple envoyée à l’assureur), soit par la rédaction d’un testament olographe ou authentique.

À ce titre, dans une affaire récente, la Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur la question de savoir si l’assureur devait être informé du changement de bénéficiaire avant le décès de l’assuré pour la validité de la substitution. En l’espèce, un épargnant avait souscrit, en janvier 1998 et en décembre 2004, deux contrats d’assurance-vie. Par un avenant datant de mai 2014, il avait modifié la clause des deux contrats pour désigner un bénéficiaire unique (Mme U).

En janvier 2015, il avait rempli, une nouvelle fois, des formulaires de demandes d’avenant aux fins de modifier à nouveau les clauses bénéficiaires et désigner à ce titre près d’une dizaine de personnes (dont Mme U).

Mais en avril 2019, au décès du souscripteur, l’assureur avait versé l’intégralité des capitaux figurant sur les contrats à Mme U.

Conscient de son erreur sur l’identité du bénéficiaire des contrats d’assurance-vie lors de la libération des fonds, l’assureur avait assigné Mme U en remboursement des sommes indûment perçues. Un litige était alors né entre elle et l’assureur s’agissant de la validité de la substitution de bénéficiaire dans un contrat d’assurance-vie. Dans un premier temps, les juges de la Cour d’appel avaient fait obstacle à la demande de l’assureur, en soulignant que le souscripteur peut modifier jusqu’à son décès le nom du bénéficiaire du contrat d’assurance-vie, dès lors que sa volonté est exprimée d’une manière certaine et non équivoque et que l’assureur en a eu connaissance. Ce qui n’avait pas été le cas en l’espèce.

L’information préalable de l’assureur ?

Une argumentation qui n’a pas convaincu la Cour de cassation. Celle-ci a rappelé que la substitution du bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie, qui n’est subordonnée à aucune règle de forme, suppose seulement, pour sa validité, que la volonté du contractant soit exprimée d’une manière certaine et non équivoque, condition appréciée souverainement par les juges du fond. En outre, la connaissance par l’assureur de la substitution de bénéficiaire n’est qu’une condition d’opposabilité de cette modification à l’assureur, et ne conditionne pas sa validité, le paiement effectué à celui qui, sans cette modification, y aurait eu droit, étant libératoire pour l’assureur de bonne foi. Dans le cas qui nous intéresse, la dernière modification de la clause bénéficiaire de l’épargnant était bien valable. Et les capitaux devaient donc bien être versés aux derniers bénéficiaires désignés.

Précision :
avec cette décision récente, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence. En effet, dans de précédentes décisions (arrêts des 13 juin 2019 et 10 mars 2022), l’information préalable de l’assureur faisait partie des conditions à remplir pour assurer la validité d’une substitution de bénéficiaires.

Cassation civile 1re, 3 avril 2025, n° 23-13803

Local commercial endommagé : quand y a-t-il cas fortuit ?

Résumé : Le propriétaire d’un local commercial loué ne peut pas obtenir la résiliation du bail en invoquant la destruction du local par cas fortuit lorsque les dommages affectant l’immeuble proviennent d’un vice caché ou d’un défaut d’entretien qui lui est imputable.

Lorsque, pendant la durée d’un bail, notamment commercial, le local loué est détruit par cas fortuit, c’est-à-dire par un évènement indépendant de la volonté ou de la responsabilité du bailleur ou du locataire, le bail est résilié « de plein droit » si la destruction est totale. Et si le local n’est détruit qu’en partie, le locataire peut, selon les circonstances, demander soit une diminution du prix soit la résiliation du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement.

Mais attention, cette règle, prévue par la loi, ne s’applique que si le local est détruit par cas fortuit. Ainsi, le bailleur n’est pas en droit d’obtenir la résiliation du bail si le local a été endommagé en raison d’un vice caché ou d’un défaut d’entretien qui lui est imputable.

C’est ce que la Cour de cassation a rappelé dans une affaire où la fermeture administrative d’un hôtel-restaurant avait été prononcée en raison de fissures apparues sur la façade de l’immeuble loué. Le locataire avait alors agi contre le bailleur en vue d’obtenir la remise en état de l’immeuble et l’indemnisation de son préjudice. En réponse, ce dernier avait demandé que soit constatée la résiliation du bail, sans indemnité pour le locataire, en application de la règle exposée ci-dessus relative à la perte du local par cas fortuit.

Un vice caché ou un défaut d’entretien…

La cour d’appel avait donné gain de cause au bailleur, estimant que l’existence d’un cas fortuit était établie puisque, même si un défaut d’entretien du bâtiment par le bailleur était évoqué par l’expert judiciaire, les désordres affectant l’immeuble donné à bail trouvaient leur cause prépondérante dans la conception structurelle d’époque inadaptée pour un ouvrage d’une telle hauteur, laquelle était à l’origine du défaut de stabilité et du danger que présentait le bâtiment.

… ne sont pas des cas fortuits

Mais la Cour de cassation a censuré cette décision car, pour elle, ni l’existence d’un vice caché ni la dégradation d’un bâtiment due à un défaut d’entretien imputable au propriétaire ne sont constitutives d’un cas fortuit. Ce dernier n’était donc pas en droit d’obtenir la résiliation du bail.

Cassation civile 3e, 9 janvier 2025, n° 23-16698

Surcroît d’activité et recours à un contrat de travail à durée déterminée

Résumé : Le surcroît d’activité découlant de l’ouverture d’une nouvelle unité, qui s’intègre dans le cadre de l’activité normale et permanente d’une fondation, ne peut pas justifier la conclusion d’un contrat de travail à durée déterminée.

Un contrat de travail à durée déterminée (CDD) ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, comme un accroissement temporaire de l’activité de l’association. À ce titre, il ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale et permanente. À défaut, ce contrat peut, à la demande du salarié, être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée (CDI) par les tribunaux. Illustration avec un arrêt récent de la Cour de cassation impliquant une fondation.

Dans cette affaire, une fondation gérant des résidences pour personnes âgées avait engagé un médecin gériatre dans le cadre de deux CDD d’une durée respective de 12 jours et de 8 mois. Le tout s’étalant sur une période de 10 mois. Ces CDD avaient été conclus en raison d’un « surcroît d’activité lié à l’ouverture de l’unité de vie Alzheimer ».

Le salarié avait demandé en justice la requalification en CDI de ces deux CDD. Une demande que la Cour de cassation a acceptée.

En effet, pour les juges, le surcroît d’activité entraîné par l’ouverture d’une nouvelle unité, qui s’intégrait dans le cadre de l’activité normale et permanente de la fondation, n’était pas temporaire. En conséquence, il ne pouvait pas justifier la conclusion d’un CDD.

Cassation sociale, 18 septembre 2024, n° 23-16782

Rupture d’une relation commerciale établie : et pendant le préavis ?

Résumé : Lorsqu’une entreprise met fin à une relation commerciale établie de longue date avec un fournisseur, elle doit, pendant la durée du préavis, maintenir cette relation aux mêmes conditions que celles existant avant la notification de la rupture, sauf circonstances particulières.

L’entreprise qui envisage de rompre une relation commerciale établie avec un partenaire commercial, par exemple un fournisseur, doit respecter un préavis suffisamment long pour permettre à ce dernier de se retourner (trouver de nouveaux clients ou se réorganiser). À défaut, elle s’expose à devoir lui payer des dommages-intérêts.

Et, bien entendu, pendant la durée de ce préavis, l’entreprise doit maintenir la relation avec son fournisseur aux mêmes conditions que celles existant avant la notification de la rupture. Ainsi, par exemple, les conditions antérieures ne seraient pas maintenues si, pendant le préavis, l’entreprise diminuait de manière significative le volume de ses commandes. Toutefois, en présence de « circonstances particulières », l’auteur de la rupture est en droit de ne pas maintenir les conditions antérieures à la notification de la rupture.

À ce titre, les juges ont estimé, dans une affaire récente, que le fait d’octroyer un délai de préavis très long constitue une circonstance particulière permettant à l’entreprise auteur de la rupture de modifier les conditions de la relation commerciale pendant le préavis.

Dans cette affaire, un distributeur d’articles de sport avait, par un courrier daté du 27 juin 2017, informé un fournisseur d’appareils d’électrostimulation d’une réduction de 15 % de ses achats pour l’année 2018, puis, par un courrier daté du 26 janvier 2018, de son intention de rompre totalement la relation commerciale à compter du 1er janvier 2021. Il avait précisé que ses achats, qui s’élevaient à 800 000 € en 2017, tomberaient à 600 000 € en 2018, à 500 000 € en 2019 et à 200 000 € en 2020, avant de s’arrêter totalement.

Un préavis d’une durée particulièrement longue

Le fournisseur avait alors considéré qu’il s’agissait d’une rupture brutale d’une relation commerciale établie. Mais les juges saisis du litige n’ont pas été de cet avis. En effet, ils ont estimé que la rupture n’avait pas été brutale puisque, d’une part, la baisse des volumes commandés n’avait été que de 15 % la première année, et que, d’autre part, après la première année, la longue durée du préavis (35 mois entre le 26 janvier 2018 et le 1er janvier 2021, soit une durée bien plus longue que le délai de 2 ans prévu par les usages de la profession) accordée au fournisseur constituait une circonstance particulière autorisant le distributeur à ne pas maintenir les conditions antérieures à la notification de la rupture.

Cassation commerciale, 19 mars 2025, n° 23-23507

Mise en jeu de la responsabilité du gérant de SARL par les associés

Résumé : Lorsque le gérant d’une SARL a conclu un contrat constituant une convention réglementée ayant entraîné des conséquences préjudiciables pour la société, les associés peuvent valablement mettre en jeu sa responsabilité pour faute de gestion plutôt qu’agir sur le fondement des dispositions spécifiques aux conventions réglementées.

Les gérants de SARL sont responsables, individuellement ou solidairement selon les cas, envers la société ou envers les personnes extérieures à la société :

– des infractions qu’ils commettent aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux SARL ;

– des violations des statuts ;

– des fautes commises dans leur gestion.

Ils sont également tenus de supporter les conséquences préjudiciables à la société des conventions réglementées qui n’ont pas été approuvées par les associés.

Rappel :
les conventions réglementées sont notamment celles qui sont conclues entre la SARL et l’un de ses gérants ou l’un de ses associés, ou celles qui sont conclues avec une société dont un associé, le gérant, le directeur général ou un administrateur est également gérant ou associé de la SARL. Sauf si elles portent sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales, ces conventions doivent être approuvées par les associés.

Sur quel fondement agir ?

À ce titre, la question suivante s’est récemment posée en justice : lorsque le gérant d’une SARL a conclu un contrat constituant une convention réglementée ayant entraîné des conséquences préjudiciables pour la société, les associés peuvent-ils mettre en cause sa responsabilité pour faute de gestion ?

Dans cette affaire, les associés d’une SARL avaient agi en responsabilité contre le gérant auquel ils reprochaient d’avoir commis une faute de gestion en ayant conclu une convention entre la SARL et une autre société dont il détenait 99 % des parts sociales à des conditions financières très défavorables à la SARL. Le gérant avait alors fait valoir que les associés auraient dû agir sur le fondement des dispositions spécifiques aux conventions réglementées et pas sur celui de la responsabilité pour faute de gestion.

Les juges n’ont pas été d’accord avec cet argument. Au contraire, ils ont estimé que la possibilité prévue par la loi de mettre à la charge du gérant les conséquences préjudiciables à la société des conventions réglementées non approuvées n’est pas exclusive de la mise en jeu de sa responsabilité sur le fondement de la faute de gestion. Et ce, ont ajouté les juges, que ces conventions aient ou non été approuvées.

Autrement dit, les associés peuvent agir sur l’un ou l’autre de ces deux fondements.

Cassation commerciale, 18 décembre 2024, n° 22-21487