Défaut de notification d’un projet de cession de parts de SARL

Résumé : Lorsqu’un projet de cession de parts de SARL n’a pas été notifié aux associés par l’associé cédant, ce dernier n’est pas en droit d’invoquer le défaut de notification pour demander l’annulation de la cession.

Dans une SARL, les cessions de parts sociales ne peuvent être consenties à des tiers (c’est-à-dire à des personnes autres que les associés, leurs conjoints, leurs ascendants ou leurs descendants) qu’avec le consentement des associés.

En pratique, le projet de cession doit être notifié, par acte de commissaire de justice ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à la société et à chacun des associés. L’autorisation de la cession (on parle d’agrément) devant être donnée par la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales, sauf si les statuts prévoient une majorité plus forte.

Et attention, en raison de son caractère impératif, ce formalisme de la notification doit être scrupuleusement respecté. Car une cession qui serait opérée sans que le projet ait été préalablement notifié à la société et aux associés encourrait la nullité.

Qui peut demander l’annulation de la cession ?

À ce titre, les juges viennent de rappeler que seuls la société et les associés auxquels le projet de cession doit être notifié peuvent, si cette formalité n’a pas été accomplie, demander l’annulation de la cession, mais pas l’associé cédant.

Commentaire :
l’action en annulation de la cession pour cause de non-respect de la procédure est réservée à ceux qui doivent être protégés contre l’arrivée d’un nouvel associé dans la société, donc à la société elle-même et aux associés autres que le cédant. Ni le cédant ni l’acquéreur des parts sociales ne peuvent donc invoquer le défaut de notification du projet de cession pour demander l’annulation de l’opération.

Cassation commerciale, 12 février 2025, n° 23-13520

Période d’essai : l’activité indépendante compte !

Résumé : Pour calculer la durée de la période d’essai imposée à un salarié, l’employeur doit tenir compte des périodes durant lesquelles il a déjà eu l’occasion d’apprécier ses capacités professionnelles. Peu importe la nature de la relation de travail antérieure…

Pour apprécier les capacités d’un salarié à occuper un poste de travail, son employeur peut prévoir une période d’essai dans son contrat de travail. Et attention, l’employeur doit déduire de la durée de cet essai les périodes durant lesquelles il a déjà eu l’occasion d’évaluer les compétences professionnelles du salarié, notamment lorsque celui-ci a déjà été employé sur le même poste de travail en contrat à durée déterminée ou en tant que travailleur intérimaire. Mais qu’en est-il des périodes durant lesquelles le salarié a déjà collaboré avec l’employeur sous le statut de travailleur indépendant ?

La relation de travail antérieure compte, quelle que soit sa forme

Dans une affaire récente, une agente commerciale avait, pendant 10 mois, collaboré avec une société sous le statut d’auto-entrepreneur. La relation de travail s’était ensuite poursuivie dans le cadre d’un contrat de travail conclu pour occuper le poste d’agenceuse vendeuse. Un contrat de travail qui prévoyait une période d’essai de 2 mois à laquelle l’employeur avait mis fin avant son terme. Mais la salariée avait saisi la justice pour demander la nullité de la période d’essai. Elle estimait, en effet, que la société avait déjà eu l’occasion d’évaluer ses compétences professionnelles lors de la précédente relation de travail, ce qui l’avait privé de la possibilité de prévoir une période d’essai dans son contrat de travail.

Appelés à se prononcer dans le cadre de ce litige, les juges d’appel n’avaient pas fait droit à la demande de la salariée. Pour eux, la période d’essai était bien valable puisque l’employeur n’avait jamais pu apprécier les compétences professionnelles de la salariée dans le cadre d’un contrat de travail.

Mais pour la Cour de cassation, lorsqu’il entend imposer une période d’essai à un salarié, l’employeur doit tenir compte des périodes durant lesquelles il a déjà eu l’occasion d’évaluer ses compétences professionnelles, et ce quelle que soit la forme de la relation de travail antérieure, salariée ou indépendante.

Précision :
les juges d’appel sont de nouveau saisis de l’affaire pour déterminer si l’employeur avait pu évaluer les capacités de la salariée à occuper le poste d’agenceuse vendeuse lors de son activité d’agente commerciale sous le statut d’auto-entrepreneur. Dans l’affirmative, la rupture de la période d’essai de la salariée sera requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cassation sociale, 29 avril 2025, n° 23-22389

Certification inexacte du kilométrage par le vendeur professionnel d’un véhicule

Résumé : Lorsque le revendeur professionnel d’un véhicule a certifié son kilométrage, il engage sa responsabilité contractuelle en cas d’inexactitude ou d’incertitude de celui-ci, l’acheteur n’ayant pas à apporter la preuve d’une faute commise par le professionnel.

Le vendeur professionnel qui certifie le kilométrage d’un véhicule d’occasion engage sa responsabilité contractuelle en cas d’inexactitude ou d’incertitude de celui-ci.

C’est ce que les juges ont affirmé dans une affaire où l’acheteur d’un véhicule d’occasion avait découvert, après coup, que le kilométrage certifié par le vendeur professionnel avait été sous-évalué à la suite d’une manipulation frauduleuse. Après avoir fait pratiquer une expertise, l’acheteur avait alors agi en justice contre le vendeur en réparation de son préjudice.

Mais la cour d’appel avait rejeté sa demande car il n’apportait aucune preuve d’une faute commise par le vendeur, l’expertise ayant établi que le kilométrage affiché était totalement incertain en raison d’un désordre lié au compteur kilométrique.

Pas besoin de prouver une faute du vendeur

Saisie à son tour du litige, la Cour de cassation a censuré la décision de la cour d’appel. Pour elle, le vendeur professionnel, dès lors qu’il s’engage à certifier le kilométrage, engage sa responsabilité contractuelle dès lors que le kilométrage se révèle inexact, l’acheteur n’étant pas tenu de prouver une quelconque faute du professionnel.

Cassation civile 1re, 26 février 2025, n° 23-22201

Loyer d’un bail commercial : une obligation d’assurance peut-elle justifier un déplafonnement ?

Résumé : Une obligation de contracter une assurance, imposée par la loi au bailleur, peut justifier le déplafonnement du loyer d’un bail commercial au moment de son renouvellement.

On sait que le loyer d’un bail commercial renouvelé est plafonné, la hausse de ce loyer ne pouvant pas excéder la variation de l’indice trimestriel de référence intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail précédent.

Toutefois, le loyer d’un bail commercial échappe à cette règle du plafonnement en cas de modification notable des éléments permettant la détermination de la valeur locative. Et parmi ces éléments figurent les obligations respectives des parties au contrat de bail, qui sont imposées par la loi et qui génèrent des charges supplémentaires depuis la dernière fixation du loyer. Ainsi, le bailleur est en droit d’invoquer la mise à sa charge d’une nouvelle obligation légale pour demander, au moment du renouvellement du bail, une augmentation du loyer au-delà du plafond normalement applicable.

À ce titre, dans une affaire récente, les juges ont estimé que la création, au cours du bail expiré, d’une obligation légale d’assurance à la charge du bailleur est un élément à prendre en compte pour fixer le loyer du bail lors de son renouvellement. Et ce, même si le bailleur avait volontairement souscrit cette assurance pendant plusieurs années avant que la loi ne le lui impose.

Une nouvelle assurance obligatoire à la charge du bailleur

Dans cette affaire, il s’agissait d’une assurance responsabilité civile propriétaire non-occupant imposée par la loi du 24 mars 2014 (dite loi « Alur ») lorsque le local commercial loué est situé dans une copropriété. Le bailleur avait volontairement souscrit cette assurance dès 2007 et se prévalait de son augmentation entre 2007 et 2015 pour demander le déplafonnement du loyer au moment du renouvellement du bail commercial en 2015. Ayant constaté que les charges supportées par le bailleur à raison de cette assurance avaient augmenté, les juges ont considéré qu’il y avait eu une modification notable des obligations légales du bailleur au cours du bail expiré et que ce dernier pouvait donc valablement demander le déplafonnement du loyer.

Cassation civile 3e, 23 janvier 2025, n° 23-14887

Remboursement de frais et remise en cause de la gestion désintéressée d’une association

Résumé : L’association qui rembourse des frais à un bénévole sans exiger de justificatifs probants risque de perdre le caractère désintéressé de sa gestion et, donc, les avantages fiscaux qui y sont liés.

Les bénévoles associatifs ont droit au remboursement des frais qu’ils engagent, personnellement et réellement, pour la réalisation de missions en lien avec l’objet de l’association. Ces remboursements ne doivent être effectués que sur présentation de justificatifs (billets de train, factures d’achat, notes de restaurant, tickets de péages…) et ils doivent correspondre au montant réellement dépensé. Toutefois, lorsque le bénévole utilise son propre véhicule pour l’activité de l’association, ses frais peuvent être évalués forfaitairement selon le barème d’indemnités kilométriques fixé par l’administration fiscale. Un barème qui ne le dispense pas cependant d’apporter la preuve de la réalité et du nombre de kilomètres parcourus.

Le non-respect de ces règles peut entraîner une remise en cause par l’administration fiscale du caractère désintéressé de la gestion de l’association, comme l’illustre un arrêt récent de la Cour administrative d’appel de Paris.

Dans cette affaire, l’administration fiscale avait, à la suite d’une vérification de comptabilité, refusé de reconnaître qu’un club de football avait une gestion désintéressée. Une décision qui avait été contestée en justice par l’association. Mais, saisie du litige, la Cour administrative d’appel de Paris a confirmé l’analyse de l’administration fiscale.

La perte du caractère désintéressé de la gestion de l’association

La cour a constaté que le club de football avait versé à un bénévole différentes sommes à titre de remboursement forfaitaire de frais pour des déplacements réalisés avec son véhicule personnel pour le compte de l’association. Les justificatifs, produits par le bénévole lui-même, consistaient seulement en un tableau, établi pour chaque année d’imposition, mentionnant notamment les dates et motifs de déplacement, leurs distances en kilomètres ainsi que le montant des frais engagés.

Or, pour les juges, ces documents ne permettaient pas d’établir la réalité des dépenses effectuées par le bénévole, « en l’absence de production, notamment, de tickets de péage ou d’achat de carburant, et à tout le moins de justification de l’utilisation par [ce dernier] de son véhicule personnel ».

La cour en a conclu que ces remboursements de frais à un membre de l’association, qui n’étaient pas justifiés et devaient donc être considérés comme des avantages en nature, remettaient en cause le caractère désintéressé de la gestion de l’association, entraînant notamment son assujettissement aux impôts commerciaux. Rappelons, en effet, que pour avoir une gestion désintéressée, une association ne doit procéder à aucune distribution directe ou indirecte de bénéfices, sous quelque forme que ce soit, à ses membres.

À noter :
l’administration fiscale, soutenue par les juges, a considéré que ces remboursements de frais non justifiés devaient être analysés comme des rémunérations et avantages occultes entrant dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Le bénévole a donc dû verser l’impôt sur le revenu ainsi que des contributions sociales sur ces sommes.

Cour administrative d’appel de Paris, 19 mars 2025, n° 23PA03767

Bail mixte : c’est la réglementation des baux commerciaux qui s’applique !

Résumé : Un bail mixte, c’est-à-dire portant à la fois sur des locaux à usage commercial et sur des locaux à usage d’habitation, est régi par le statut des baux commerciaux. Il en résulte que la procédure engagée par le bailleur pour résilier un tel bail n’est pas soumise aux dispositions des baux d’habitation.

Lorsqu’un bail a pour objet la mise à disposition de locaux à usage commercial, il est régi par le statut des baux commerciaux. Sachant que ce statut s’applique également aux locaux qui constituent l’accessoire de l’activité commerciale tels des locaux d’habitation.

Application de cette règle a été faite par les juges dans l’affaire récente suivante. Un bail portant à la fois sur des locaux à usage commercial et sur des locaux à usage d’habitation situés dans un même immeuble avait été consenti à une société. Victime de loyers impayés, le bailleur avait agi en justice afin de faire appliquer la clause résolutoire prévue dans le bail et de faire expulser la société locataire. Cette dernière avait alors fait falloir que dans la mesure où son gérant avait établi sa résidence principale dans les locaux loués, la procédure mise en œuvre par le bailleur aurait dû respecter les obligations de forme requises pour la résiliation d’un bail d’habitation. Et que, à défaut, elle était nulle.

Saisie du litige, la cour d’appel n’a pas été de cet avis. En effet, elle a constaté que les parties avaient conclu un bail commercial dont l’objet principal était la mise à disposition d’un local commercial en vue d’exercer « toutes activités de restauration sur place ou à emporter ». Elle en a déduit que le bail était soumis au statut des baux commerciaux, y compris pour les locaux d’habitation qui constituaient l’accessoire de l’activité commerciale. La procédure mise en œuvre par le bailleur pour faire constater la résiliation du bail en application de la clause résolutoire n’était donc pas soumise aux règles de forme prévues pour les baux d’habitation.

Cour d’appel de Caen, 16 janvier 2025, n° 24/00560

Manquements aux obligations d’un bail commercial et suspension d’une clause résolutoire

Résumé : À la demande du locataire, le juge peut décider de suspendre les effets d’une clause résolutoire d’un bail commercial mise en jeu par le bailleur, et ce quel que soit le manquement reproché par ce dernier aux obligations du locataire.

Lorsqu’un contrat de bail commercial comporte une clause résolutoire (ce qui est fréquent), le bailleur peut obtenir de plein droit la résiliation du bail lorsque l’engagement du locataire (par exemple, le paiement du loyer) visé dans la clause n’a pas été respecté.

En pratique, le bailleur doit délivrer, par acte de commissaire de justice, un commandement de s’exécuter au locataire défaillant. Et si ce dernier n’est pas suivi d’effet au bout d’un mois, le juge prononcera la résiliation du bail.

Sachant que le locataire peut demander au juge de lui accorder un délai pour exécuter son obligation et de suspendre ainsi les effets de la clause résolutoire. Dans ce cas, la clause résolutoire ne s’appliquera pas si le locataire exécute son obligation dans le délai accordé par le juge. Dans le cas contraire, elle produira ses effets et le bail sera résilié.

À ce titre, la suspension des effets d’une clause résolutoire peut être décidée par le juge, quel que soit le manquement à ses obligations reproché au locataire.

Tout manquement du locataire

C’est ce que la Cour de cassation a rappelé dans une affaire où un bail commercial prévoyait que, sauf exceptions légales, les lieux loués à usage de restaurant devaient toujours rester ouverts, exploités et achalandés. Ayant constaté que le restaurant était fermé, le bailleur avait envoyé au locataire un commandement de reprendre l’exploitation du restaurant, en visant la clause résolutoire stipulée dans le bail. Le restaurant n’ayant pas réouvert au bout d’un mois, le bailleur avait agi en justice pour faire constater la résiliation du bail.

Le locataire avait alors demandé au juge un délai pour s’exécuter et la suspension de la clause résolutoire. Mais la cour d’appel avait rejeté sa demande car, pour elle, un délai ne peut être accordé au locataire qu’en cas de manquement à une obligation de payer des loyers ou des charges.

La Cour de cassation a donc censuré cette décision, reprochant à la cour d’appel d’avoir refusé d’examiner la demande de délai du locataire.

Cassation civile 3e, 6 février 2025, n° 23-18360

Agrément d’une cession de parts sociales de SARL : les associés ont 3 mois pour statuer

Résumé : Lorsque les associés d’une SARL n’ont pas statué sur l’agrément d’une cession de parts sociales dans un délai de 3 mois, cet agrément est réputé acquis.

Dans une SARL, les cessions de parts sociales ne peuvent être consenties à des tiers (c’est-à-dire à des personnes autres que les associés, leurs conjoints, leurs ascendants ou leurs descendants) qu’avec le consentement des associés.

En pratique, le projet de cession doit être notifié, par acte de commissaire de justice ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à la société et à chacun des associés. Puis, dans les 8 jours qui suivent cette notification, le gérant doit convoquer l’assemblée générale des associés pour qu’elle délibère sur le projet de cession ou bien consulter les associés par écrit.

Précision :
l’autorisation de la cession (on parle « d’agrément ») doit être donnée par la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales, sauf si les statuts prévoient une majorité plus forte.

Sachant qu’en l’absence de décision des associés dans le délai de 3 mois à compter de la dernière des notifications du projet de cession aux associés, l’agrément est considéré comme acquis et la cession est donc autorisée. Prévue par la loi, cette disposition est impérative : elle s’applique lorsque le délai de 3 mois est expiré, et ce même si le délai minimal de 15 jours laissé aux associés pour qu’ils se prononcent lorsqu’ils sont consultés par écrit expire au-delà du délai de 3 mois.

Rappel :
en cas de consultation écrite des associés, ces derniers disposent d’un délai minimal de 15 jours pour émettre leur vote par écrit.

Ainsi, dans une affaire récente, l’un des associés d’une SARL avait notifié à la société et aux autres associés un projet de cession de ses parts sociales à un tiers, la dernière notification ayant été reçue le 30 septembre 2020. Or ce n’est que le 14 décembre 2020 que le gérant de la SARL avait envoyé le projet de cession aux associés pour qu’ils statuent par consultation écrite, en leur demandant de répondre le 6 janvier 2021 au plus tard. Et à l’issue de cette consultation, la société avait notifié à l’associé, le 19 février 2021, sa décision de refuser d’agréer le tiers.

Un agrément tacite au bout de 3 mois sans réponse

Mais l’associé, faute d’avoir reçu une réponse à l’expiration du délai de 3 mois (le 31 décembre 2020), s’était alors prévalu d’un agrément tacite et avait agi en justice contre la société aux fins de faire reconnaître la qualité d’associé au tiers et de se voir autoriser à lui céder ses parts. Il a obtenu gain de cause, les juges ayant affirmé que le délai minimal de 15 jours, prévu pour permettre aux associés consultés par écrit de se prononcer, ne peut pas avoir pour effet de prolonger le délai légal de 3 mois imparti pour statuer sur l’agrément, contrairement à ce que le prétendait la société.

À noter :
les juges ont ajouté qu’il appartenait au gérant, qui disposait de suffisamment de temps pour le faire, d’organiser la consultation écrite des associés de manière à permettre le respect du délai légal de 3 mois enserrant la procédure d’agrément, tout en laissant aux associés un délai minimal de 15 jours pour prendre leur décision.

Cassation commerciale, 2 avril 2025, n° 23-23553

Obligation de reclassement : le CSE doit toujours être consulté !

Résumé : L’employeur doit obligatoirement consulter le CSE sur le reclassement du salarié déclaré inapte à occuper son poste de travail. Et ce même si aucun emploi de reclassement n’est disponible au sein de l’entreprise.

Lorsqu’un salarié est reconnu inapte par le médecin du travail à occuper son poste, son employeur doit, avant toute chose, rechercher des emplois de reclassement appropriés à ses capacités. Sachant que les offres d’emploi proposées au salarié doivent prendre en compte les indications et conclusions formulées par le médecin du travail mais aussi être soumises à l’avis du comité social et économique (CSE). Et sur ce dernier point, les juges sont intransigeants, en exigeant de l’employeur qu’il consulte le CSE même en l’absence d’emplois de reclassement disponibles.

Exception :
l’employeur est dispensé de rechercher des emplois de reclassement, et donc de consulter le CSE, lorsque l’avis d’inaptitude précise que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

Une consultation préalable à la procédure de licenciement

Dans une affaire récente, un conducteur routier victime d’un accident du travail avait été reconnu inapte à occuper son emploi par le médecin du travail. Aucun emploi de reclassement n’étant disponible au sein de l’entreprise, son employeur l’avait licencié pour inaptitude. Mais le salarié avait contesté la validité de la rupture de son contrat de travail au motif que le CSE n’avait pas été consulté avant son licenciement.

Saisie du litige, la Cour d’appel de Nîmes n’avait pas fait droit à la demande du salarié. Pour elle, en l’absence de postes de reclassement disponibles, l’employeur était dispensé de consulter le CSE. Le licenciement prononcé était donc bien régulier.

Mais pour la Cour de cassation, même en l’absence d’emplois disponibles, le CSE doit être consulté sur le reclassement d’un salarié inapte à occuper son poste de travail. Et ce n’est pas tout, cette consultation doit avoir lieu avant que soit engagée la procédure de licenciement pour inaptitude. Or, les juges ont constaté que l’employeur avait bien consulté les représentants du personnel de l’entreprise, mais tardivement, c’est-à-dire après la tenue de l’entretien préalable au licenciement du salarié. De sorte que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Un raisonnement que les juges d’appel, de nouveau chargés d’examiner cette affaire, sont « invités » à adopter.

Conséquence :
en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’employeur est condamné à verser une indemnité au salarié.

Cassation sociale, 5 mars 2025, n° 23-13802

Rachat de parts sociales : le compte courant d’associé doit-il être remboursé ?

Résumé : Un associé n’est pas en droit d’obtenir l’annulation du rachat de ses parts sociales par la société en invoquant le fait que cette dernière n’a pas accédé à sa demande de remboursement de son compte courant d’associé.

Un associé est en droit de demander à tout moment à la société le remboursement des sommes qui figurent sur son compte courant d’associé. Sauf stipulation contraire, la société est alors dans l’obligation de s’exécuter. Mais attention, l’obligation qui incombe à la société de procéder au remboursement d’un compte courant d’associé est, sauf si une clause prévoit le contraire, indépendante de celle qui lui incombe de payer le prix des parts sociales qu’elle a rachetées à cet associé.

C’est ce que les juges ont affirmé dans l’affaire récente suivante. Une société d’exercice libéral à responsabilité limitée (Selarl) avait décidé de réduire son capital en procédant au rachat puis à l’annulation des parts sociales détenues par l’un de ses associés. Ce dernier avait alors demandé à la société qu’elle lui rembourse son compte courant d’associé. La société n’ayant pas accédé à sa requête, l’associé avait demandé l’annulation du rachat de ses parts. En effet, il avait fait valoir que, sauf convention contraire, le rachat par une société des parts sociales d’un associé entraîne l’obligation pour cette dernière de rembourser le compte courant de cet associé.

Deux obligations indépendantes l’une de l’autre

Mais les juges ne lui ont pas donné gain de cause. Après avoir rappelé que l’obligation de la société de payer le prix des parts sociales rachetées à un associé et celle de rembourser le compte courant d’associé de cet associé sont, sauf stipulation contraire (ce qui n’était pas le cas dans cette affaire), indépendantes l’une de l’autre, ils ont estimé que l’associé n’était pas en droit d’invoquer le défaut de remboursement de son compte courant d’associé pour obtenir l’annulation de l’opération de rachat de ses parts sociales.

Cassation commerciale, 12 février 2025, n° 23-17483