Certification inexacte du kilométrage par le vendeur professionnel d’un véhicule

Résumé : Lorsque le revendeur professionnel d’un véhicule a certifié son kilométrage, il engage sa responsabilité contractuelle en cas d’inexactitude ou d’incertitude de celui-ci, l’acheteur n’ayant pas à apporter la preuve d’une faute commise par le professionnel.

Le vendeur professionnel qui certifie le kilométrage d’un véhicule d’occasion engage sa responsabilité contractuelle en cas d’inexactitude ou d’incertitude de celui-ci.

C’est ce que les juges ont affirmé dans une affaire où l’acheteur d’un véhicule d’occasion avait découvert, après coup, que le kilométrage certifié par le vendeur professionnel avait été sous-évalué à la suite d’une manipulation frauduleuse. Après avoir fait pratiquer une expertise, l’acheteur avait alors agi en justice contre le vendeur en réparation de son préjudice.

Mais la cour d’appel avait rejeté sa demande car il n’apportait aucune preuve d’une faute commise par le vendeur, l’expertise ayant établi que le kilométrage affiché était totalement incertain en raison d’un désordre lié au compteur kilométrique.

Pas besoin de prouver une faute du vendeur

Saisie à son tour du litige, la Cour de cassation a censuré la décision de la cour d’appel. Pour elle, le vendeur professionnel, dès lors qu’il s’engage à certifier le kilométrage, engage sa responsabilité contractuelle dès lors que le kilométrage se révèle inexact, l’acheteur n’étant pas tenu de prouver une quelconque faute du professionnel.

Cassation civile 1re, 26 février 2025, n° 23-22201

Loyer d’un bail commercial : une obligation d’assurance peut-elle justifier un déplafonnement ?

Résumé : Une obligation de contracter une assurance, imposée par la loi au bailleur, peut justifier le déplafonnement du loyer d’un bail commercial au moment de son renouvellement.

On sait que le loyer d’un bail commercial renouvelé est plafonné, la hausse de ce loyer ne pouvant pas excéder la variation de l’indice trimestriel de référence intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail précédent.

Toutefois, le loyer d’un bail commercial échappe à cette règle du plafonnement en cas de modification notable des éléments permettant la détermination de la valeur locative. Et parmi ces éléments figurent les obligations respectives des parties au contrat de bail, qui sont imposées par la loi et qui génèrent des charges supplémentaires depuis la dernière fixation du loyer. Ainsi, le bailleur est en droit d’invoquer la mise à sa charge d’une nouvelle obligation légale pour demander, au moment du renouvellement du bail, une augmentation du loyer au-delà du plafond normalement applicable.

À ce titre, dans une affaire récente, les juges ont estimé que la création, au cours du bail expiré, d’une obligation légale d’assurance à la charge du bailleur est un élément à prendre en compte pour fixer le loyer du bail lors de son renouvellement. Et ce, même si le bailleur avait volontairement souscrit cette assurance pendant plusieurs années avant que la loi ne le lui impose.

Une nouvelle assurance obligatoire à la charge du bailleur

Dans cette affaire, il s’agissait d’une assurance responsabilité civile propriétaire non-occupant imposée par la loi du 24 mars 2014 (dite loi « Alur ») lorsque le local commercial loué est situé dans une copropriété. Le bailleur avait volontairement souscrit cette assurance dès 2007 et se prévalait de son augmentation entre 2007 et 2015 pour demander le déplafonnement du loyer au moment du renouvellement du bail commercial en 2015. Ayant constaté que les charges supportées par le bailleur à raison de cette assurance avaient augmenté, les juges ont considéré qu’il y avait eu une modification notable des obligations légales du bailleur au cours du bail expiré et que ce dernier pouvait donc valablement demander le déplafonnement du loyer.

Cassation civile 3e, 23 janvier 2025, n° 23-14887

Propos injurieux versus liberté d’expression du salarié

Résumé : Pour les juges, des propos injurieux diffusés par messages, via un téléphone portable professionnel, constituent un abus du salarié dans l’exercice de sa liberté d’expression et justifient son licenciement pour faute, et ce même si ces propos ne sont pas destinés à être rendus public.

Chaque salarié dispose, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de l’entreprise, du droit de s’exprimer librement. Toutefois, le salarié qui abuse de sa liberté d’expression, en tenant des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, s’expose à un licenciement pour faute, comme en témoigne une décision récente de la Cour de cassation.

Dans cette affaire, un salarié engagé en tant que « business unit manager » s’était vu confier, pendant plus d’un an, les fonctions de conseiller du président. Plus tard, son employeur l’avait licencié pour faute en lui reprochant, notamment, d’avoir critiqué la société auprès de collègues et d’anciens salariés, mais aussi d’avoir tenu des propos dénigrants à l’égard de ses dirigeants. Le salarié avait toutefois contesté son licenciement en justice. Il estimait d’une part, que les propos qu’il avait tenus relevaient d’un usage non abusif de sa liberté d’expression car destinés à un nombre restreint de personnes et, d’autre part, que ces propos ne pouvaient pas justifier un licenciement dans la mesure où ils avaient un caractère privé.

Saisis du litige, les juges ont indiqué que l’emploi de termes injurieux et excessifs par le salarié constituait un abus de sa liberté d’expression, peu important le caractère restreint de leur diffusion. En outre, ils ont relevé que certains des propos injurieux avaient été adressés par message, au moyen d’un téléphone portable professionnel, à des collègues ou des anciens collègues, et qu’ils concernaient la société et ses dirigeants. De sorte que ces propos avaient un caractère professionnel et qu’ils pouvaient justifier une sanction disciplinaire. Le licenciement pour faute grave du salarié a donc été validé par les juges.

Cassation sociale, 11 décembre 2024, n° 23-20716

Pour procéder à la mise à la retraite d’office d’un salarié

Résumé : Dès lors qu’un salarié atteint l’âge de 70 ans, il peut, à condition d’avoir été recruté avant cet âge, être mis à la retraite d’office par son employeur.

Lorsqu’un salarié atteint l’âge de 67 ans, son employeur peut, avec son accord, envisager sa mise à la retraite. Mais une fois franchi l’âge de 70 ans, son employeur peut procéder, cette fois sans son accord, à sa mise à la retraite. Et une seule condition s’applique à cette mise à la retraite d’office : le salarié doit avoir été recruté avant ses 70 ans. Autrement dit, peu importe l’âge auquel il peut bénéficier d’une pension de retraite à taux plein, comme vient de le préciser la Cour de cassation.

Dans cette affaire, un salarié avait été engagé par une association à l’âge de 63 ans. Son employeur avait procédé à sa mise à la retraite d’office lorsqu’il avait atteint l’âge de 70 ans. Une mesure que le salarié avait contesté en justice.

Saisie du litige, la Cour d’appel de Bordeaux avait constaté qu’à la date d’embauche du salarié, celui-ci, alors âgé de 63 ans, pouvait prétendre à une pension de retraite à taux plein (et avait d’ailleurs fait valoir ses droits). Dès lors, pour elle, l’employeur n’était pas fondé à prononcer sa mise à la retraite d’office.

Mais pour la Cour de cassation, peu importe l’âge auquel l’assuré peut faire valoir ses droits à retraite à taux plein (et qu’il demande ou non le bénéfice de sa pension). Dès lors qu’il est recruté avant l’âge de 70 ans, son employeur peut, une fois cet âge atteint, procéder à sa mise à la retraite d’office.

Important :
lorsque la mise à la retraite d’office d’un salarié est injustifiée, la rupture du contrat de travail est requalifiée par les juges en licenciement sans cause réelle et sérieuse, donnant lieu au paiement de dommages-intérêts au salarié.

Cassation sociale, 27 novembre 2024, n° 22-13694

Remboursement de frais et remise en cause de la gestion désintéressée d’une association

Résumé : L’association qui rembourse des frais à un bénévole sans exiger de justificatifs probants risque de perdre le caractère désintéressé de sa gestion et, donc, les avantages fiscaux qui y sont liés.

Les bénévoles associatifs ont droit au remboursement des frais qu’ils engagent, personnellement et réellement, pour la réalisation de missions en lien avec l’objet de l’association. Ces remboursements ne doivent être effectués que sur présentation de justificatifs (billets de train, factures d’achat, notes de restaurant, tickets de péages…) et ils doivent correspondre au montant réellement dépensé. Toutefois, lorsque le bénévole utilise son propre véhicule pour l’activité de l’association, ses frais peuvent être évalués forfaitairement selon le barème d’indemnités kilométriques fixé par l’administration fiscale. Un barème qui ne le dispense pas cependant d’apporter la preuve de la réalité et du nombre de kilomètres parcourus.

Le non-respect de ces règles peut entraîner une remise en cause par l’administration fiscale du caractère désintéressé de la gestion de l’association, comme l’illustre un arrêt récent de la Cour administrative d’appel de Paris.

Dans cette affaire, l’administration fiscale avait, à la suite d’une vérification de comptabilité, refusé de reconnaître qu’un club de football avait une gestion désintéressée. Une décision qui avait été contestée en justice par l’association. Mais, saisie du litige, la Cour administrative d’appel de Paris a confirmé l’analyse de l’administration fiscale.

La perte du caractère désintéressé de la gestion de l’association

La cour a constaté que le club de football avait versé à un bénévole différentes sommes à titre de remboursement forfaitaire de frais pour des déplacements réalisés avec son véhicule personnel pour le compte de l’association. Les justificatifs, produits par le bénévole lui-même, consistaient seulement en un tableau, établi pour chaque année d’imposition, mentionnant notamment les dates et motifs de déplacement, leurs distances en kilomètres ainsi que le montant des frais engagés.

Or, pour les juges, ces documents ne permettaient pas d’établir la réalité des dépenses effectuées par le bénévole, « en l’absence de production, notamment, de tickets de péage ou d’achat de carburant, et à tout le moins de justification de l’utilisation par [ce dernier] de son véhicule personnel ».

La cour en a conclu que ces remboursements de frais à un membre de l’association, qui n’étaient pas justifiés et devaient donc être considérés comme des avantages en nature, remettaient en cause le caractère désintéressé de la gestion de l’association, entraînant notamment son assujettissement aux impôts commerciaux. Rappelons, en effet, que pour avoir une gestion désintéressée, une association ne doit procéder à aucune distribution directe ou indirecte de bénéfices, sous quelque forme que ce soit, à ses membres.

À noter :
l’administration fiscale, soutenue par les juges, a considéré que ces remboursements de frais non justifiés devaient être analysés comme des rémunérations et avantages occultes entrant dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Le bénévole a donc dû verser l’impôt sur le revenu ainsi que des contributions sociales sur ces sommes.

Cour administrative d’appel de Paris, 19 mars 2025, n° 23PA03767

Bail mixte : c’est la réglementation des baux commerciaux qui s’applique !

Résumé : Un bail mixte, c’est-à-dire portant à la fois sur des locaux à usage commercial et sur des locaux à usage d’habitation, est régi par le statut des baux commerciaux. Il en résulte que la procédure engagée par le bailleur pour résilier un tel bail n’est pas soumise aux dispositions des baux d’habitation.

Lorsqu’un bail a pour objet la mise à disposition de locaux à usage commercial, il est régi par le statut des baux commerciaux. Sachant que ce statut s’applique également aux locaux qui constituent l’accessoire de l’activité commerciale tels des locaux d’habitation.

Application de cette règle a été faite par les juges dans l’affaire récente suivante. Un bail portant à la fois sur des locaux à usage commercial et sur des locaux à usage d’habitation situés dans un même immeuble avait été consenti à une société. Victime de loyers impayés, le bailleur avait agi en justice afin de faire appliquer la clause résolutoire prévue dans le bail et de faire expulser la société locataire. Cette dernière avait alors fait falloir que dans la mesure où son gérant avait établi sa résidence principale dans les locaux loués, la procédure mise en œuvre par le bailleur aurait dû respecter les obligations de forme requises pour la résiliation d’un bail d’habitation. Et que, à défaut, elle était nulle.

Saisie du litige, la cour d’appel n’a pas été de cet avis. En effet, elle a constaté que les parties avaient conclu un bail commercial dont l’objet principal était la mise à disposition d’un local commercial en vue d’exercer « toutes activités de restauration sur place ou à emporter ». Elle en a déduit que le bail était soumis au statut des baux commerciaux, y compris pour les locaux d’habitation qui constituaient l’accessoire de l’activité commerciale. La procédure mise en œuvre par le bailleur pour faire constater la résiliation du bail en application de la clause résolutoire n’était donc pas soumise aux règles de forme prévues pour les baux d’habitation.

Cour d’appel de Caen, 16 janvier 2025, n° 24/00560

Manquements aux obligations d’un bail commercial et suspension d’une clause résolutoire

Résumé : À la demande du locataire, le juge peut décider de suspendre les effets d’une clause résolutoire d’un bail commercial mise en jeu par le bailleur, et ce quel que soit le manquement reproché par ce dernier aux obligations du locataire.

Lorsqu’un contrat de bail commercial comporte une clause résolutoire (ce qui est fréquent), le bailleur peut obtenir de plein droit la résiliation du bail lorsque l’engagement du locataire (par exemple, le paiement du loyer) visé dans la clause n’a pas été respecté.

En pratique, le bailleur doit délivrer, par acte de commissaire de justice, un commandement de s’exécuter au locataire défaillant. Et si ce dernier n’est pas suivi d’effet au bout d’un mois, le juge prononcera la résiliation du bail.

Sachant que le locataire peut demander au juge de lui accorder un délai pour exécuter son obligation et de suspendre ainsi les effets de la clause résolutoire. Dans ce cas, la clause résolutoire ne s’appliquera pas si le locataire exécute son obligation dans le délai accordé par le juge. Dans le cas contraire, elle produira ses effets et le bail sera résilié.

À ce titre, la suspension des effets d’une clause résolutoire peut être décidée par le juge, quel que soit le manquement à ses obligations reproché au locataire.

Tout manquement du locataire

C’est ce que la Cour de cassation a rappelé dans une affaire où un bail commercial prévoyait que, sauf exceptions légales, les lieux loués à usage de restaurant devaient toujours rester ouverts, exploités et achalandés. Ayant constaté que le restaurant était fermé, le bailleur avait envoyé au locataire un commandement de reprendre l’exploitation du restaurant, en visant la clause résolutoire stipulée dans le bail. Le restaurant n’ayant pas réouvert au bout d’un mois, le bailleur avait agi en justice pour faire constater la résiliation du bail.

Le locataire avait alors demandé au juge un délai pour s’exécuter et la suspension de la clause résolutoire. Mais la cour d’appel avait rejeté sa demande car, pour elle, un délai ne peut être accordé au locataire qu’en cas de manquement à une obligation de payer des loyers ou des charges.

La Cour de cassation a donc censuré cette décision, reprochant à la cour d’appel d’avoir refusé d’examiner la demande de délai du locataire.

Cassation civile 3e, 6 février 2025, n° 23-18360

Préemption de la Safer sur une parcelle agricole : le droit du vendeur de se retirer

Résumé : Lorsque la Safer exerce son droit de préemption en faisant une contre-proposition de prix, le vendeur qui saisit le tribunal en fixation du prix de vente peut ensuite retirer le bien de la vente à tout moment de la procédure, même avant que le tribunal ait fixé le prix.

Lorsque la Safer décide d’exercer son droit de préemption pour acquérir en priorité une parcelle agricole mise en vente, elle est en droit, si elle estime que le prix indiqué dans l’acte notifié par le notaire est exagéré, de proposer un prix moins élevé. Le vendeur peut alors soit accepter purement et simplement l’offre de la Safer, soit retirer la parcelle de la vente, soit saisir le tribunal judiciaire pour qu’il fixe le prix.

Attention :
si le vendeur garde le silence pendant un délai de 6 mois à compter de la notification de l’offre d’achat de la Safer, il est censé, à l’expiration de ce délai, avoir accepté cette offre.

Retirer la parcelle de la vente

Lorsque le tribunal a été saisi en fixation du prix, le vendeur, de même que la Safer, peut, après que ce prix a été fixé, renoncer à l’opération. Nouveauté : les juges ont indiqué, dans une affaire récente, que le vendeur peut, à tout moment de la procédure judiciaire, et donc même avant la décision du tribunal fixant le prix, retirer la parcelle de la vente.

Autre précision apportée par les juges dans cette même affaire : le vendeur qui retire la parcelle de la vente au cours de la procédure judiciaire en fixation du prix n’est pas tenu, pour en informer la SAFER, de recourir au notaire.

Rappel :
lorsque, dans les 6 mois après que la Safer a notifié une offre d’achat avec contre-proposition de prix, le vendeur décide de retirer la parcelle de la vente, il doit, dans ce cas de figure (c’est-à-dire en dehors d’une procédure judiciaire en fixation du prix), notifier sa décision de retrait au notaire. À défaut, sa décision de retirer la parcelle de la vente ne serait pas valable et il serait censé avoir tacitement accepté l’offre d’achat de la Safer à l’expiration du délai de 6 mois.

Cassation civile 3e, 28 novembre 2024, n° 23-18746

Intégration fiscale : quelle réclamation en cas de contrôle d’une société membre ?

Résumé : La notification d’une proposition de redressement à une société membre d’un groupe fiscalement intégré ne permet pas à la société mère de se prévaloir du délai spécial de réclamation pour l’imposition correspondant aux résultats d’autres sociétés du groupe.

En matière d’impôt sur les sociétés, l’administration fiscale peut procéder à des redressements jusqu’au 31 décembre de la 3e année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due. Sachant toutefois qu’une proposition de redressement notifiée avant l’expiration de ce délai interrompt la prescription. L’entreprise bénéficie alors d’un délai spécial pour présenter ses réclamations, délai qui expire le 31 décembre de la 3e année suivant celle de la notification de la proposition de redressement.

À noter :
de son côté, l’administration fiscale dispose de ce même délai pour mettre en recouvrement le redressement.

À ce titre, le Conseil d’État a jugé que la notification d’une proposition de redressement à une société membre d’un groupe fiscalement intégré interrompt la prescription à l’égard de la société mère pour les seules impositions correspondant au résultat individuel de cette société membre.

En conséquence, les juges viennent de préciser que la société mère ne peut pas se prévaloir du délai spécial de réclamation pour solliciter la correction de l’impôt d’ensemble du groupe à raison d’éléments propres à l’activité ou aux résultats de sociétés membres autres que celle ayant fait l’objet de la procédure de redressement.

Précision :
dans cette affaire, la demande de correction de la société mère avait porté sur des crédits d’impôt, imputables sur l’impôt d’ensemble du groupe, attachés aux produits reçus ou aux dépenses exposées par d’autres sociétés membres du groupe.

Conseil d’État, 9 octobre 2024, n° 490195

Agrément d’une cession de parts sociales de SARL : les associés ont 3 mois pour statuer

Résumé : Lorsque les associés d’une SARL n’ont pas statué sur l’agrément d’une cession de parts sociales dans un délai de 3 mois, cet agrément est réputé acquis.

Dans une SARL, les cessions de parts sociales ne peuvent être consenties à des tiers (c’est-à-dire à des personnes autres que les associés, leurs conjoints, leurs ascendants ou leurs descendants) qu’avec le consentement des associés.

En pratique, le projet de cession doit être notifié, par acte de commissaire de justice ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à la société et à chacun des associés. Puis, dans les 8 jours qui suivent cette notification, le gérant doit convoquer l’assemblée générale des associés pour qu’elle délibère sur le projet de cession ou bien consulter les associés par écrit.

Précision :
l’autorisation de la cession (on parle « d’agrément ») doit être donnée par la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales, sauf si les statuts prévoient une majorité plus forte.

Sachant qu’en l’absence de décision des associés dans le délai de 3 mois à compter de la dernière des notifications du projet de cession aux associés, l’agrément est considéré comme acquis et la cession est donc autorisée. Prévue par la loi, cette disposition est impérative : elle s’applique lorsque le délai de 3 mois est expiré, et ce même si le délai minimal de 15 jours laissé aux associés pour qu’ils se prononcent lorsqu’ils sont consultés par écrit expire au-delà du délai de 3 mois.

Rappel :
en cas de consultation écrite des associés, ces derniers disposent d’un délai minimal de 15 jours pour émettre leur vote par écrit.

Ainsi, dans une affaire récente, l’un des associés d’une SARL avait notifié à la société et aux autres associés un projet de cession de ses parts sociales à un tiers, la dernière notification ayant été reçue le 30 septembre 2020. Or ce n’est que le 14 décembre 2020 que le gérant de la SARL avait envoyé le projet de cession aux associés pour qu’ils statuent par consultation écrite, en leur demandant de répondre le 6 janvier 2021 au plus tard. Et à l’issue de cette consultation, la société avait notifié à l’associé, le 19 février 2021, sa décision de refuser d’agréer le tiers.

Un agrément tacite au bout de 3 mois sans réponse

Mais l’associé, faute d’avoir reçu une réponse à l’expiration du délai de 3 mois (le 31 décembre 2020), s’était alors prévalu d’un agrément tacite et avait agi en justice contre la société aux fins de faire reconnaître la qualité d’associé au tiers et de se voir autoriser à lui céder ses parts. Il a obtenu gain de cause, les juges ayant affirmé que le délai minimal de 15 jours, prévu pour permettre aux associés consultés par écrit de se prononcer, ne peut pas avoir pour effet de prolonger le délai légal de 3 mois imparti pour statuer sur l’agrément, contrairement à ce que le prétendait la société.

À noter :
les juges ont ajouté qu’il appartenait au gérant, qui disposait de suffisamment de temps pour le faire, d’organiser la consultation écrite des associés de manière à permettre le respect du délai légal de 3 mois enserrant la procédure d’agrément, tout en laissant aux associés un délai minimal de 15 jours pour prendre leur décision.

Cassation commerciale, 2 avril 2025, n° 23-23553