Rémunération du gérant d’une SARL : une décision s’impose !

Résumé : Lorsqu’elle n’est pas déterminée par les statuts et qu’elle n’a pas fait l’objet d’une décision collective des associés, la rémunération du gérant d’une SARL n’est pas due. Peu importe que les associés aient, par ailleurs, approuvé la gestion du gérant.

La rémunération du gérant d’une SARL est déterminée soit par les statuts, soit par une décision collective des associés. En pratique, le plus souvent, c’est ce deuxième procédé qui est utilisé. En effet, une rémunération fixée par les statuts nécessiterait de modifier ces derniers à chaque changement de rémunération, ce qui serait extrêmement contraignant.

Et attention, en l’absence d’une telle décision, le gérant prendrait le risque de voir sa rémunération ultérieurement remise en cause, par exemple par un repreneur de la société, par le liquidateur au cas où la société serait mise en liquidation judiciaire ou même par les associés en cas de conflit.

C’est ce qui s’est produit dans l’affaire récente suivante. Dans le cadre d’un contentieux l’opposant à son ancien gérant, une SARL avait réclamé à ce dernier qu’il lui rembourse une somme correspondant à des rémunérations qu’il avait perçues au titre des exercices 2018 et 2019 au motif qu’aucune décision n’avait autorisé ces rémunérations. La cour d’appel avait rejeté cette demande car, pour elle, les trois associés de la SARL ayant adopté une résolution relative à l’affectation du résultat de ces deux exercices, ils n’avaient donc pas remis en cause la gestion du gérant sur ces exercices ni les rémunérations perçues par ce dernier au titre de ces exercices.

La nécessité d’une décision des associés

Mais la Cour de cassation a censuré cette décision, en réaffirmant que, dans le silence des statuts, la rémunération du gérant de SARL doit être expressément autorisée par une décision collective des associés, ce qui n’avait pas été le cas dans cette affaire. Et pour les juges, l’absence d’une telle décision ne peut pas être supplée par une autre décision collective approuvant la gestion du gérant.

Précision :
la décision approuvant la rémunération du gérant peut valablement être prise postérieurement au versement de la rémunération du gérant, par exemple lors de l’approbation des comptes de l’exercice écoulé.

Cassation commerciale, 12 février 2025, n° 23-18415

Non-renouvellement du mandat du gérant = poursuite tacite ou fin du mandat ?

Résumé : Lorsque le gérant d’une société a été nommé pour une durée déterminée et qu’à l’expiration de cette période, il n’est pas reconduit dans ses fonctions ni remplacé, il faut considérer que son mandat a pris fin.

Souvent, dans les sociétés, le gérant est nommé pour une durée déterminée. En pratique, cette durée est précisée soit dans les statuts, soit lors de la nomination du gérant. À l’expiration de cette durée, le gérant doit donc cesser d’exercer ses fonctions, et ce sans que la société ait besoin de lui notifier un congé.

Mais qu’en est-il lorsque le gérant, malgré l’expiration de la période pour laquelle il a été nommé, continue de gérer la société ? Dans ce cas, le gérant ne peut pas se prévaloir du renouvellement de son mandat par tacite reconduction.

Le défaut de renouvellement…

C’est ce que les juges ont rappelé dans l’affaire récente suivante. Deux co-gérants d’une société civile agricole avaient été nommés pour une durée de 3 ans. Mais à l’expiration de cette durée, ils avaient poursuivi leurs fonctions. Quelques années plus tard, certains associés avaient demandé en justice la révocation de l’un des gérants ainsi que la désignation d’un administrateur ad hoc pour assurer la gestion courante de la société et pour convoquer une assemblée générale.

La cour d’appel avait rejeté leur demande, considérant que la nomination initiale des gérants est valable jusqu’à ce qu’ils soient remplacés ou révoqués et que le défaut de renouvellement exprès de leur mandat à son expiration ne rend pas la poursuite de ce mandat irrégulier ni les actes qu’ils ont pris.

… entraîne la fin du mandat

Mais la Cour de cassation a censuré cette décision. Pour elle, lorsque le gérant d’une société (en l’occurrence d’une société civile) a été nommé pour une durée déterminée, l’arrivée du terme de son mandat entraîne, à défaut de renouvellement exprès, la cessation de plein droit de ce mandat. Dès lors, la gérance devient vacante. Et le gérant qui continue de diriger la société après le terme de son mandat ne peut pas se prévaloir d’une reconduction tacite de son mandat.

Cassation commerciale, 27 novembre 2024, n° 22-24631

Quand des arrêtés préfectoraux sont annulés en justice

Résumé : La Cour d’appel de Douai a annulé les arrêtés du préfet du Pas-de-Calais interdisant aux associations de distribuer des boissons et de la nourritures aux migrants notamment car ils n’étaient ni nécessaires au regard d’un risque d’atteinte à la tranquillité publique, ni adaptées et proportionnées à la lutte contre l’insalubrité.

Dans une affaire récente jugée par la Cour d’appel de Douai, une douzaine d’associations humanitaires demandaient l’annulation de 3 arrêtés du préfet du Pas-de-Calais interdisant les distributions gratuites de boissons et de nourritures aux migrants dans 21 rues, places, quais et ponts situés à l’est et au sud du centre-ville de Calais. Cette interdiction couvrant une période cumulée d’environ 3 mois comprise entre octobre 2020 et janvier 2021.

Un intérêt à agir des associations

Les associations ont qualité pour contester la légalité des actes administratifs qui portent atteinte aux intérêts qu’elles ont pour mission de défendre.

À ce titre, la cour d’appel a reconnu que Secours catholique – Caritas France, Médecins du monde, la Fédération des acteurs de la solidarité, l’Auberge des migrants, Emmaüs France, la Ligue des droits de l’Homme et l’association SALAM (Soutenons. Aidons. Luttons, Agissons pour les Migrants et les pays en difficulté) avaient intérêt à agir contre ces arrêtés.

Concernant les autres associations, elle a considéré que :
– le fait que les statuts de l’association Help Refugees – Prism the Gift Fund soient rédigés en anglais ne l’empêchait pas d’agir en justice ;
– l’association Utopia 56 ayant pour objet de venir en aide aux migrants sur tout le territoire national avait intérêt pour agir contre les arrêtés interdisant la distribution de nourritures et de boissons aux migrants de Calais, auprès desquelles elle intervenait, même si son siège est situé à Lorient ;
– une fondation ayant principalement pour objet d’œuvrer pour l’accès au logement des personnes et des familles défavorisées rencontrant de graves difficultés de logement ne justifiait pas d’un intérêt suffisant lui permettant de contester ces arrêtés ;
– le syndicat de la magistrature et le syndicat des avocats de France n’avaient pas d’intérêt à agir contre des arrêtés qui ne portaient pas atteinte à leurs professions, quand bien même leurs statuts mettaient en avant la « défense des libertés et des principes démocratiques » et « la défense des droits et libertés ».

À noter :
la cour d’appel a rappelé que le fait que l’un des auteurs d’une requête collective ne justifie pas d’un intérêt ou d’une qualité à agir ne remet pas en cause la recevabilité de celle-ci.

Une interdiction injustifiée

Le préfet du Pas-de-Calais justifiait ses arrêtés par les atteintes à la tranquillité publique causées par les distributions de boissons et de nourritures (rixes et disputes accompagnées d’ameutement dans les rues, générés par les rassemblements de migrants), par l’insalubrité (dépôt sauvage de déchets sur la voie publique) et par le risque épidémique lié au Covid-19.

Concernant d’abord les atteintes à la tranquillité publique, la cour d’appel a constaté d’une part, que les six mains courantes de la police municipale sur lesquelles le préfet s’était basé concernait des évènements ponctuels et, le plus souvent, sans gravité (présence de deux migrants alcoolisés devant un centre social ayant quitté les lieux à l’arrivée de la police, présence d’un migrant alcoolisé dans un parc ou groupe d’exilés tentant d’entrer dans un local à vélo avant d’être rapidement dispersé) et d’autre part, que rien ne prouvait que ces évènements étaient liés aux distributions organisées par les associations.

Ensuite, concernant l’insalubrité causée par le dépôt sauvage de déchets sur la voie publique, pour la cour d’appel, comme les associations pouvaient effectuer des distributions en dehors des zones interdites visées par les arrêtés, ceux-ci n’empêchaient pas les abandons de déchets. De plus, d’autres mesures moins contraignantes que l’interdiction, comme la mise à disposition de poubelles à proximité des lieux de distribution, permettaient de remédier à ce problème.

Enfin, concernant le risque épidémique lié au Covid-19, selon la cour d’appel, puisque l’État avait déjà, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, mis en place des mesures de restriction au niveau national afin de lutter contre cette épidémie, le préfet ne pouvait pas prendre, lui aussi, de telles mesures, sauf « raisons impérieuses liées à des circonstances locales ». Or, pour la cour d’appel, le préfet n’avait fait valoir aucune spécificité propre à la ville de Calais et il n’existait pas, dans les zones visées par l’interdiction de distributions d’aide alimentaire, des densités de population particulièrement fortes de nature à constituer une circonstance locale justifiant cette mesure. Sans compter que cette interdiction, en obligeant les migrants vivant en centre-ville, à rejoindre d’autres lieux de distribution, renforçait encore le risque de propagation de l’épidémie (transports en commun, rassemblements plus importants…).

Au vu de tous ces éléments, la cour d’appel a conclu que l’interdiction des distributions gratuites de boissons et de nourritures aux migrants prononcée par le préfet n’était pas nécessaire au regard d’un risque d’atteinte à la tranquillité publique, ni adaptée et proportionnée à la lutte contre l’insalubrité, ni justifiée par la lutte contre l’épidémie de Covid-19. Elle a donc annulé les trois arrêtés en litige.

Cour administrative d’appel de Douai, 27 février 2025, n° 22DA02653

Cadre dirigeant : il faut de l’autonomie !

Résumé : La directrice d’une association qui ne dispose pas d’autonomie dans la gestion du personnel ne peut pas être considérée comme un cadre dirigeant.

Selon le Code du travail, le cadre dirigeant est un salarié auquel sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps, qui est habilité à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoit une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l’association. Ces trois conditions étant cumulatives.

L’enjeu de cette qualification est important car les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux règles du Code du travail relatives à la durée du travail, au repos quotidien et hebdomadaire, aux jours fériés et à la journée de solidarité.

Pas de cadre dirigeant sans autonomie dans la gestion du personnel

Ainsi, dans une affaire récente, une directrice avait saisi les tribunaux pour obtenir le paiement d’heures supplémentaires que l’association lui refusait au motif qu’elle avait le statut de cadre dirigeant.

Les juges ont constaté que la directrice ne disposait pas d’autonomie dans la gestion du personnel de l’association puisque les procédures disciplinaires menées à l’égard des salariés ou celles visant à modifier leur contrat de travail relevaient de la responsabilité de la présidente de l’association.

Ils en ont déduit que la salariée ne pouvait pas être considérée comme un cadre dirigeant, quand bien même elle disposait d’autonomie dans d’autres domaines, et qu’en conséquence, elle avait droit au paiement de ses heures supplémentaires.

Cassation sociale, 11 décembre 2024, n° 23-19421

Il n’est pas « loisible » à l’Urssaf de choisir les règles de calcul d’un redressement !

Résumé : Dès lors que l’Urssaf dispose des éléments de comptabilité nécessaires pour établir un redressement de cotisations sociales sur des bases réelles, elle ne peut pas recourir à une autre méthode d’évaluation, même avec l’accord du cotisant.

Dans le cadre de ses contrôles, l’Urssaf peut être amenée, lorsqu’elle constate une mauvaise application de la législation sociale par un employeur, à prononcer un redressement de cotisations et de contributions sociales. Mais attention, le chiffrage d’un tel redressement doit être établi sur des bases réelles, dès lors que l’Urssaf dispose des éléments de comptabilité lui permettant de le faire. Et les juges sont intransigeants en la matière, considérant comme illicite tout autre méthode d’évaluation, et ce même si elle est appliquée d’un commun accord avec le cotisant.

Exceptions :
pour établir le montant d’un redressement, l’Urssaf peut, dans des conditions strictement encadrées par le Code la Sécurité sociale, recourir à une méthode d’échantillonnage et d’extrapolation ou encore de taxation forfaitaire, notamment lorsque la comptabilité de l’employeur ne permet pas d’établir le chiffre exact des rémunérations des salariés.

Ainsi, dans le cadre d’un contrôle, l’Urssaf avait conclu avec la société contrôlée une convention visant à chiffrer un redressement de cotisations sociales selon des règles particulières établies d’un commun accord entre les deux parties (notamment sur la répartition des bases de régularisation entre différents assiettes et taux de cotisations). Des règles particulières qui avaient conduit la société à saisir la justice en vue d’obtenir l’annulation du redressement.

Amenées à se prononcer dans ce litige, la Cour d’appel de Lyon et la Cour de cassation ont indiqué qu’en dehors des méthodes dérogatoires prévues par le Code de la Sécurité sociale (échantillonnage-extrapolation et taxation forfaitaire), l’Urssaf doit, lorsqu’elle dispose des éléments de comptabilité lui permettant de le faire, calculer un redressement de cotisations sociales sur des bases réelles et qu’il ne lui est pas « loisible » de définir elle-même les bases d’imposition ou les taux de cotisations applicables. Et ce même si Urssaf et cotisant s’accordent sur la méthode d’évaluation du redressement. Pour les juges, le recours à une méthode d’évaluation irrégulière, car non prévue par le Code de la Sécurité sociale, doit alors être sanctionné par l’annulation des chefs de redressement retenus par l’Urssaf.

Cassation civile 2e, 9 janvier 2025, n° 22-13480

Mise à disposition d’une société de parcelles agricoles louées : il faut les exploiter !

Résumé : Lorsqu’un exploitant agricole a mis des terres dont il est locataire à la disposition d’une société mais les exploite en dehors de celle-ci, le bailleur est en droit d’obtenir la résiliation du bail pour ce motif à condition que ce manquement lui ait causé un préjudice.

Très souvent, les exploitants agricoles qui exercent leur activité en société mettent à la disposition de celle-ci les terres et bâtiments dont ils sont locataires. Ce qui permet juridiquement à la société d’exploiter ces terres sans en devenir elle-même locataire, les associés concernés demeurant seuls titulaires des baux.

Le locataire qui a mis des terres louées à la disposition d’une société doit donc continuer à remplir ses obligations de locataire à l’égard de son bailleur. À ce titre, il est tenu d’exercer effectivement l’activité agricole au sein de la société et d’en être associé. À défaut, le bailleur serait en droit de demander la résiliation du bail pour ce motif. Mais attention, il convient désormais de distinguer deux cas de figure :

– s’il s’avère que le locataire ne participe pas personnellement à l’exploitation des terres louées ni dans la société bénéficiaire de la mise à disposition ni en dehors de celle-ci, la résiliation du bail sera alors automatiquement prononcée. Car dans ce cas, le locataire est réputé avoir cédé irrégulièrement son bail à la société ;

– si le locataire participe personnellement à l’exploitation des terres louées mais en dehors de la société bénéficiaire de la mise à disposition, la résiliation du bail ne sera prononcée que si cette exploitation à l’extérieur de la société a causé un préjudice au bailleur.

Ce sont les principes que la Cour de cassation a clairement posés dans une affaire récente.

La participation du locataire à l’exploitation des terres louées

Dans cette affaire, deux exploitants colocataires de parcelles agricoles les avaient mises à la disposition d’une société. Quelques années plus tard, ils avaient informé le bailleur du départ à la retraite de l’un d’eux. Ce dernier s’était alors opposé à ce que le bail se poursuive par le seul locataire restant. Et il avait, de surcroît, demandé en justice la résiliation de ce bail, invoquant le fait que les locataires n’étaient plus associés dans la société à la disposition de laquelle ils avaient mis les parcelles louées. En effet, les deux locataires étaient, en réalité, associés d’une société qui était elle-même associée de la société bénéficiaire de la mise à disposition.

Saisie du litige, la cour d’appel avait prononcé la résiliation du bail, estimant qu’il avait été irrégulièrement cédé à la société. Mais la Cour de cassation a censuré cette décision. En effet, elle a constaté que les locataires participaient effectivement à l’exploitation des parcelles mises à disposition mais en dehors de la société bénéficiaire de la mise à disposition, en l’occurrence dans le cadre d’une société elle-même associée de la société bénéficiaire de la mise à disposition. Elle en a conclu que la résiliation du bail ne pouvait être prononcée que si le bailleur apportait la preuve que cette situation lui avait causé un préjudice.

Cassation civile 3e, 26 septembre 2024, n° 23-12967

Exercice d’une activité non-prévue dans le bail commercial

Résumé : Le commerçant qui exerce dans des locaux destinés à un usage de snack une activité de restauration plus sophistiquée s’expose à la résiliation du bail commercial.

Le locataire commercial est tenu d’utiliser le local loué conformément à la « destination » prévue par le bail. Autrement dit, il ne peut y exercer que la ou les activités prévues dans le bail, ainsi que celles considérées comme y étant implicitement incluses. À défaut, le bailleur serait en droit de demander en justice la résiliation du bail.

Ainsi, dans une affaire récente, un bail commercial portant sur un terrain et sur un bâtiment avait été conclu pour y exploiter un centre d’animation, le locataire ayant, par la suite, été autorisé par le bailleur à prolonger le bâtiment loué pour y construire un snack. Or dans ce bâtiment, dans lequel il avait installé une partie cuisine de 30 mètres carrés, entièrement équipée, une salle à manger de 50 mètres carrés, des toilettes indépendantes, un kiosque de 16 mètres carrés et quatre autres de 6 mètres carrés chacun, et qui comportait une parcelle de 500 mètres carrés environ entourant le snack, le locataire s’était mis à proposer à la clientèle, sous le nom de « snack-restaurant », une cuisine française, chinoise et de fruits de mer, composée notamment de poisson au gingembre et de ris de veau forestier, autrement dit un type de restauration bien plus sophistiqué que celle pouvant être servie dans un snack. Considérant que le locataire exploitait un restaurant plutôt qu’un snack autorisé par le bail, le bailleur avait agi en justice pour obtenir la résiliation du bail.

Un changement de destination des locaux loués

Les juges lui ont donné gain de cause. Pour eux, l’activité de restauration exercée au sein du snack-restaurant était totalement différente de ce qui avait été initialement convenu par les parties dans le contrat de bail. Ils ont donc considéré que le locataire avait modifié unilatéralement la destination des locaux loués, sans en avoir informé le bailleur, commettant ainsi un manquement suffisamment grave pour prononcer la résiliation du bail.

Cassation civile 3e, 27 mars 2025, n° 23-22383

Quand un franchisé viole l’exclusivité territoriale d’un autre franchisé

Résumé : Le franchisé qui prospecte de manière ciblée la clientèle située sur le territoire dans lequel un autre franchisé détient une exclusivité conférée par le franchiseur commet un acte de concurrence déloyale, peu importe que cette prospection ne vise pas spécifiquement la clientèle de ce dernier.

Lorsqu’un contrat de franchise prévoit l’exclusivité du franchisé sur un territoire déterminé, la violation de cette exclusivité par un autre franchisé peut être considérée comme un acte de concurrence déloyale susceptible d’engager sa responsabilité.

Illustration de ce principe avec l’affaire récente suivante. Dans ses contrats de franchise, un franchiseur à la tête d’un réseau de salles de sport conférait un territoire exclusif à chaque franchisé. Or l’un des franchisés de ce réseau avait démarché la clientèle présente sur le territoire d’un autre franchisé situé à proximité. Ce dernier avait alors agi en justice pour faire cesser cette pratique qu’il considérait comme étant constitutive d’actes de concurrence déloyale.

Mais la cour d’appel avait rejeté sa demande, considérant que si des prospectus publicitaires avaient bien été déposés par le franchisé voisin dans l’ensemble des boîtes aux lettres des habitants installés sur le territoire du franchisé concerné, ce démarchage n’était pas constitutif d’un trouble manifestement illicite dans la mesure où le prospectus se limitait à indiquer l’adresse et les tarifs du franchisé voisin, sans éléments de comparaison avec le franchisé déjà installé sur le territoire démarché. En outre, la cour d’appel avait constaté que ce démarchage n’était ni ciblé ou individuel, ni répété, à destination spécifique de la clientèle du franchisé concerné.

Une prospection ciblée

Saisie à son tour du litige, la Cour de cassation n’a pas été de cet avis. Pour elle, le dépôt de prospectus publicitaires dans l’ensemble des boîtes aux lettres des habitants de la zone dans laquelle le franchisé était installé constituait une prospection ciblée sur la clientèle située sur le territoire de ce franchisé, peu important qu’elle ne visait pas spécifiquement la clientèle de ce dernier. Ce faisant, le franchisé voisin avait violé la clause d’exclusivité territoriale prévue dans le contrat de franchise et engagé sa responsabilité à ce titre.

Cassation commerciale, 4 décembre 2024, n° 23-17908

Mise en jeu de la responsabilité du dirigeant pour cause de poursuite d’une activité déficitaire

Résumé : Le fait que le dirigeant d’une société en liquidation judiciaire ait poursuivi une activité déficitaire peut constituer une faute de gestion susceptible d’engager sa responsabilité lorsqu’elle a contribué à l’insuffisance d’actif de la société. Mais le seul constat de l’augmentation des dettes de la société ne suffit pas.

Lorsqu’une société est mise en liquidation judiciaire, la responsabilité de son dirigeant peut être recherchée lorsqu’il a commis une faute de gestion ayant contribué à son insuffisance d’actif (c’est-à-dire quand l’actif de la société ne suffit pas à régler ses créanciers). Au terme de cette action, dite « en comblement de passif », le dirigeant peut alors être condamné à payer sur ses deniers personnels tout ou partie des dettes de la société.

Tel peut être le cas lorsque le dirigeant a poursuivi une activité déficitaire. Mais attention, la poursuite par le dirigeant d’une activité déficitaire susceptible d’engager sa responsabilité ne peut pas résulter du seul constat d’une augmentation du montant des dettes de la société.

L’augmentation des dettes de la société

Ainsi, dans une affaire récente, les juges ont estimé que le dirigeant d’une société du BTP en liquidation judiciaire ne pouvait pas être condamné à combler le passif social au motif qu’il avait poursuivi une activité déficitaire en se fondant sur les seuls éléments suivants :

– le dirigeant n’avait pas payé les cotisations sociales dues au titre des mois ayant précédé l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ;

– un certain nombre de dettes fiscales n’avait pas été payé ;

– le bilan au titre du dernier exercice clos faisait apparaître un accroissement des dettes de plus de 220 000 € depuis l’exercice précédent.

Aux yeux des juges, ces éléments n’étaient pas suffisants pour caractériser la poursuite d’une activité déficitaire.

Rappel :
une simple négligence ne peut pas être retenue à l’encontre d’un dirigeant pour mettre en jeu sa responsabilité et lui faire payer personnellement une partie des dettes de la société.

Cassation commerciale, 11 décembre 2024, n° 23-19807

Une demande de rescrit fiscal par voie électronique pour les professionnels

Résumé : Depuis le 16 janvier dernier, les professionnels peuvent effectuer leur demande de rescrit fiscal de manière dématérialisée, en se rendant dans leur espace sécurisé du site impots.gouv.fr.

Le rescrit fiscal permet aux contribuables, entreprises comme particuliers, d’interroger l’administration sur l’application de règles fiscales à leur propre situation et d’obtenir une réponse qui l’engage. Autrement dit, l’administration ne peut plus, en principe, procéder à des redressements fiscaux sur la base d’une position différente de celle prise dans sa réponse.

Attention :
si vous ne vous conformez pas à la réponse de l’administration, vous prenez le risque de subir un redressement fiscal en cas de contrôle, assorti de pénalités plus lourdes. Une réflexion en amont sur l’opportunité de recourir au rescrit fiscal est donc indispensable.

Une demande par voie électronique

Depuis le 16 janvier dernier, l’administration fiscale autorise les professionnels à effectuer leur demande de rescrit de manière dématérialisée.

En pratique, ils doivent se rendre dans leur espace professionnel du site impots.gouv.fr, sur « messagerie », dans l’onglet « Écrire », puis à la rubrique « Autres demandes ». Ensuite, ils doivent cliquer sur « Dépôt d’une demande de rescrit » et choisir « Demande de rescrit ». Les professionnels ont alors accès à un formulaire leur permettant de déposer leur demande.

L’absence de réponse à un second examen

L’administration fiscale dispose, en principe, d’un délai de 3 mois pour répondre à une demande de rescrit.

À noter :
seule une réponse expresse peut l’engager, sauf lorsque la demande du contribuable porte sur certaines opérations ou sur certains régimes particuliers (exemples : exonération en zone franche urbaine, crédit d’impôt recherche…). L’absence de réponse dans le délai imparti vaut alors accord tacite de la part de l’administration.

Lorsque la réponse de l’administration n’est pas satisfaisante aux yeux du contribuable, ce dernier peut solliciter un second examen de sa demande, et ce dans les 2 mois qui suivent la réception de cette réponse, sous réserve de ne pas invoquer de nouveaux éléments.

À ce titre, le Conseil d’État vient de préciser que l’absence de réponse sous 3 mois vaut confirmation de la réponse initiale. Le rescrit peut alors, le cas échéant, être contesté devant les tribunaux.

www.impots.gouv.fr, actualité du 16 janvier 2025

Conseil d’État, 29 novembre 2024, n° 497850